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Embarquement immédiat...

Le 21 juillet 1969 à 3h56, je décidai de devenir cosmonaute.

Non, pas astronaute, cosmonaute ! 

Rien à voir avec le sujet Américains vs Soviets

Je trouvais juste que cosmonaute (découvert dans un livre sur Gagarine)

est un mot beaucoup plus beau. Il claque.

L'autre me rappelait la margarine Astra, trop mou.

Le ciel, les mots, la guerre froide... je couvais sans doute.

Et j'aimais tellement qu'on me raconte des histoires...

 

 

Vingt ans plus tard, un projet d'article qui aurait dû être bouclé en quelques jours s'est transformé en livre, mon premier livre, par la force des choses. Je découvris tant d'histoires enchâssées dans mon sujet de départ, les noeuds à démêler s'épaississaient tellement que je fus littéralement engloutie.

Un livre donc, en 1991, puis un deuxième en 2015 et je ne suis toujours pas sortie d'affaire,  loin de taper d'un grand geste libératoire sur la touche point final.

Mais loin de baisser les bras de guerre lasse. On verra...

 

J'avais découvert que pour écrire La Neige en Deuil, petit roman qui m'avait fascinée lorsque nous l’avions étudié au collège en 5e, Henry Troyat s'était inspiré d'un fait divers qui n'avait jamais été raconté, ni même documenté. Le drame psychologique sur fond de catastrophe aérienne cachait une vraie tragédie, de vrais cadavres, de vrais dépouilleurs de cadavres, une véritable histoire de montagne et toutes les aventures qui vont forcément avec. La matière était largement suffisante pour un long article mais voilà... dès le début de mon enquête, un autre crash surgit des archives, qui - première incroyable coïncidence - eut lieu au même endroit, touchant la même compagnie, cela bien après la sortie du livre de Troyat (1952) et son adaptation par la Paramount (1954) mais avec les mêmes témoins. 

Premier mystère d'une longue série : la mémoire collective avait pourtant complètement effacé ce drame plus récent malgré les 117 victimes.

D'autant plus étrange que parmi elles figurait un grand physicien atomiste, père du programme nucléaire indien, membre fondateur de l'AIEA (agence internationale de l'énergie atomique), président de la première gigantesque conférence Atoms for Peace qui avait réuni à Genève en 1955 des milliers de scientifiques et journalistes.

Pas si surprenant toutefois quand, les archives s'ouvrant peu à peu, on apprend que le grand professeur venait de déclarer qu'il était en mesure de donner la bombe A à son pays... les équilibres du monde en auraient certainement été changés, les choses auraient peut-être dégénéré puisque le voisin chinois, justement, avait déjà testé la sienne, en 1964.

Homi Bhabha n'était pas une victime lambda. Elle, encore moins que les autres, n'aurait jamais dû être oubliée. Pourquoi a-t-on abandonné le professeur dans la montagne ? Qualifié par certains de Léonard de Vinci des temps modernes, cet homme m'obsède. Peut-être me possède-t-il car son corps, sans doute en miettes, glisse tout près de chez moi, dans le glacier sous lequel j'habite désormais.

Qui a tué Homi Bhabha ?

Il semble que je sois la seule à me le demander sans cesse. 

Difficile de s'intéresser à autre chose. Le sujet dépasse la fiction ; il est trop gros, trop lourd, trop passionnant. Sans doute condamnée à ne jamais pouvoir répondre à cette question, je me convaincs que ce travail d'une vie n'aura pas été vain : j'ai donné des noms à des débris humains, raconté des tranches de la vie de ces gens ;  j'ai mis au jour des embrouilles et des intrigues qu'on croyait oubliées à jamais et c'est un sacré plaisir d'écrivain que de reconstruire ce qui a été détruit en un instant, lentement, simplement avec des mots

C'était bien, le Pérou...

1978. Un sac en bandoulière dont j'ai consolidé la bretelle avec du câble de frein de vélo pour arrêter les canifs des voleurs, de trop lourdes chaussures de rando aux pieds, deux copines intrépides... Bye bye maman, papa. Le bac est dans la poche, j'ai ramassé des fruits tout l'été, assez pour acheter un petit appareil photo et un billet d'avion au Point de Mulhouse. Je viens d'avoir dix-huit ans,  personne ne peut me retenir, j'en ai rêvé si fort depuis que mon (très beau) prof de français Alain Chenevière - dont je ne savais pas à l'époque qu'en plus d'être agrégé de grammaire, il était spécialiste de sanskrit et de linguistique indo-européenne - nous avait fascinés avec son Inti Raymi, la fête du soleil des Incas. Direction Bâle-Mulhouse airport, je pars au Pérou !

Le Pérou ...

Mille et une aventures suivront le vol de l'appareil photo dans le sac blindé, le premier jour, dans le bus, à Lima. Seuls mes carnets et les longues lettres envoyées à mes parents peuvent témoigner.  

Déjà, les mots qui sauvent, le plaisir du temps qu'on prend pour les choisir afin de bien dire et décrire, le temps qu'il faut pour les ranger, les arranger, les lire, les relire, le plaisir de les entendre sonner dans des lectures à voix haute pour voir si la musique et rythme donnés vont bien évoquer auprès des futurs lecteurs, une atmosphère, une pensée.

Et puis Nazca, où je voulais rencontrer Maria Reiche, la vieille dame qui s'obstinait à déchiffrer les fameuses lignes, peut-être un calendrier céleste disait-on. Certains l'appelaient La dame aux lignes, d'autres La folle du désert. 

C'est vrai que 55 ans à se lever tous les matins dans un modeste hôtel planté pour elle au milieu du désert avec l'espoir de percer le mystère de géoglyphes, c'est un peu... obsessionnel. 

photos volées sur internet

Avec Claude Jean, Philippeles compagnons du romanesque 

Paris, début des années 80. Nous n'avons plus que nos valises. Nous devons partir nous installer au Mexique dans quelques jours. Dernière minute. Plouf. Le projet -professionnel- de mon amoureux architecte tombe à l'eau. Des copains nous prêtent un appart dans le Marais. Dans le quartier, au petit TAI théâtre (prononcez Thaï) - sans tréma mais très "moi", egotique plutôt qu'exotique car acronyme de Théâtre A (prénom du modeste directeur) I (nom du directeur) on joue chaque soir L'écume des Jours et Huis Clos.  C'est aussi une école de théâtre. 
En guise de premier cours AI nous impose une improvisation collective, après nous avoir enfermés dans le théâtre. Vous êtes rescapés d'un crash en plein désert, vous avez une demi-heure...
Nous voilà les corps entremêlés, rampant, gémissant, hurlant, insultant, suppliant, boitant, embrassant, dépouillant nos prochains...  et dans ce grand n'importe quoi, le directeur me "remarque". 
Je suis choisie pour remplacer l'interprète de Chloé dans l' Ecume des jours. Bizarre autant qu'étrange.
Me voilà donc comédienne à jouer du Boris Vian, sur la même scène qu'Olivier Py qui, collé à un balai, interprète Nicolas et ne sait pas encore qu'il deviendra un grand auteur de théâtre et dirigera le festival d'Avignon. 
Rue vieille du Temple, nous nous retrouvons pendant deux ans chaque soir, du mardi au samedi, matinée le dimanche, relâche le lundi. Un été à Avignon, en off, logés à l'abbaye de Frigolet où nous rentrions à l'heure des laudes.
La routine des coulisses, trac, repassage, trucs pour travailler la diction...  puis le silence. Le noir. Quelques notes de Duke Ellington. La lumière soudain sur la scène. Les répliques montent à la bouche. Les nuances peuvent être manoeuvrées mais pas un mot ne doit bouger dans la phrase. Ils ont été si bien organisés, ces mots, qu'ils ne se mélangent jamais. Pas une fois... 
Pourtant je suis apprentie. Je suis les cours et j'aime par dessus tout celui de ClaudeJean Philippe. Certains se souviendront de ce grand type au sourire jaune qui venait s'asseoir à côté de Bernard Pivot à la fin d'Apostrophes, la première, la seule, l'unique, l'inimitable émission sur la littérature.  Lui, Claude Jean Phlippe venait présenter le film de son Ciné Club de France 2 qui allait suivre et dont "la petite musique a convié bien des générations au banquet des meilleurs films du monde".
J'ai oublié le nom de son cours mais Il fallait se mettre au centre de la salle, assis sur un tabouret les mains sur les cuisses le dos bien droit et simplement raconter une histoire, captiver son public.
Venez me voir à la fin du cours...
Discrètement, Claude constituait un groupe de jeunes gens qu'il allait réunir chez lui deux fois par semaine pour le plaisir d'écrire des histoires avec eux. Avec Les Compagnons du romanesque, nous avons surtout bien rigolé, déliré, mangé des montagnes de marrons glacés. Nous avons écrit à moitié une histoire d'extraterrestres qui venaient kidnapper deux trois humains sur Terre pour les étudier, avons monté unTartuffe ( au théatre de la Main d'Or) dans lequel j'étais une Marianne ridicule et je réussis même à déchirer mon costume en pleine représentation. Jouer, non merci.
Ecrire, écrire... Françoise vous devez écrire, me répétait-il. Et il y a tant de choses qui n'arrivent qu'à vous ! ne manquait-il jamais d'ajouter dans un inoubliable éclat de rire.  
Je dois beaucoup à cet homme. Son appartement d'où il ne sortait que rarement était mon refuge

Mise au point

Je n'utilise pas l'écriture inclusive. En tant que prof de français langue étrangère, je considère que c'est un complexification inutile. Non, évidemment, le masculin n'est pas le plus fort. Mais dans la langue, c'est lui qui inclut toutes les personnes (personne est féminin, même quand la personne est un homme). C'est comme ça dans la langue, pas dans la vie, comme le genre des noms est vraiment bizarre : un sein, un ovaire mais  une prostate. Un mensonge, une vérité, un fauteuil, une chaise, un problème, une solution...

Qu'on féminise les noms de métiers oui, d'accord, mais même là, quelques impasses... comment nommer une femme qui vient dépanner votre voiture? Bref, je regarde cette question  comme celle des clochers qui dominent chaque village français et qu'on ne va pas raser sous prétexte que notre pays est laïc... et je préfère m'amuser à faire observer le sexisme, c'est vrai, de notre langue, tout en faisant observer aussi que certains anglophones voudraient bien qu'on cesse de dire actress au lieu d'actor dans une langue où les noms n'ont pas de genre.  Et puis surtout, je préfère enseigner le respect, de toutes et tous dont les transgenres.

 

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